Comment une blessure telle la rupture
du LCA a pu devenir une des meilleures choses qui me soient
arrivées ?
Une attitude positive, curieuse de
comprendre quel message mon corps essaie de me transmettre. J'ai
passé plusieurs mois à suivre le processus de cicatrisation de mon
ligament, en y investissant toute mon énergie, en m'instruisant de
lectures sur le puissance du mental, la méditation, la
psychosomatique, et divers autres thérapies naturelles. En
expérimentant, en essayant de mettre en pratique, je suis arrivée à
la fin de l'été à refaire mes premiers pas en highline (soit à 5
mois et demi de l'accident). N'ayant pas tant d'attentes, j'avais
déjà pris mon billet d'avion pour passer deux mois en Inde, afin de
poursuivre ce travail personnel et finir la rééducation à travers
la pratique du yoga, de la méditation et de treks en Himalaya. Pas
d'exploit, de performance quelconque, mais au contraire, apprendre à
prendre le temps, à écouter le corps qui se renforce petit à
petit, à être receptif aux messages et à l'énergie de la nature,
d'une autre culture, de la puissance d'un endroit, et en particulier
des montagnes.
Je rejoins Claire à Rishikesh, avec
qui on a décidé de partager cette expérience ensemble.
Elle a
passé deux semaines dans un ashram pour pratiquer le yoga, mais mon
genou n'est pas encore assez rétabli pour lui imposer toutes ces
postures, et j'ai déjà du mal avec la chaleur et l'humidité.
Notre idée principale de destination
est de remonter du Sud au Nord la vallée du Kinnaur et du Spiti,
mais on se rend compte que Rishikesh n'est pas loin de la source du
Gange qui la traverse.
On improvise alors un petit périple
autour de Gangotri, qui sera le dernier village au bout de la route,
et le point de départ de nombreux treks.
Un lieu plus développé par le
tourisme Indien, qui vient en pèlerinage spirituel au pied du
glacier, d'où le Gange prend sa source.
On repère des photos de montagnes
justes incroyables dans la guest house où nous restons, et nous
sympathisons rapidement avec un guide Gopi, qui nous donnera quelques
infos intéressantes, juste assez pour nous motiver à prendre nos
matelas et sacs de couchage, et partir à l'aventure pour en prendre
pleins de yeux. A défaut de pouvoir grimper, skier, slacker ou
profiter de la montagne intensément avec l'adrénaline de ces
pratiques, j'ai la sensations que la contemplation d'imposantes
montagnes peut me remplir d'énergie d'une nouvelle manière.
Le sentier est apparemment très
parcouru et évident jusqu'à Gaumukh, mais on nous conseille d'être
accompagnées d'un guide pour traverser le glacier et rejoindre
Tapovan qui est notre objectif.
25 kilomètres et 1500 mètres de
dénivelés nous attendent et ce sera une bonne prise de repères sur
nos capacités, mais on préfère forcément être autonomes et voir
jusqu'où nous pourrons aller, quitte à faire demi tour si c'est
trop risqué.
Mes premiers pas face aux montagnes
Himalayennes resterons à jamais gravées. Après quelques sommets
qui font timidement leur apparition à travers les nuages, c'est la
chaîne de Bagirathi qui s'impose en face de nous et dont on
s'approche doucement.
Passées Gaumukh, où s'arrêtent la
majorité des trekkeurs, on continue en suivant de loin un sherpa qui
s'aventure sur le glacier. Comme il n'y a qu'un chemin, on sait
forcément qu'il se rend à Tapovan. Mais rapidement, le chemin sur
le glacier n'est pas du tout visible, on se retrouve au milieu des
crevasses, un peu perdues dans l'immensité d'un tas de cailloux
reposant sur la glace. Le porteur qui est Népalais et avec qui on a
du mal à communiquer puisqu'il ne parle pas Anglais, moyennera
finalement la moitié de notre budget qu'on a en poche pour nous
guider jusqu'à l'autre côté du glacier.
On arrive à Tapovan, un plateau
idyllique situé juste au pied du Shivling, sommet majestueux qui se
cache encore dans les nuages.
On nous avait indiqué qu'il était
possible de dormir et manger avec un saddhu qui vit sur place. Il ne
parle pas, ce qui fait partie de ses principes de retraite, mais
demande 600 roupies par personnes pour le repas du soir, le
petit-déjeûner et la nuitée. Nous avons 500 pour deux et sommes
prêtes à dormir dehors et ne pas manger, mais nous cherchons au
moins du thé pour nous hydrater et nous réchauffer car nous sommes
à 4500 mètres d'altitude, et les 9 heures de marche nous ont un peu
fatiguées quand même !
On se fait accueillir par un groupe qui
a monté son propre campement. Sumeet le guide, deux porteurs
Népalais, un cuisinier anciennement alpiniste nommé Chandar, qui
accompagnent Boris, un Autrichien vivant en Jordanie avec sa copine
Indienne. Ils sont tous plus chaleureux les uns que les autres et
nous invitent avec eux. On aura droit au thé et à un délicieux
repas avant de nous réfugier dans notre maison abandonnée qui nous
servira d'abri pour la nuit.
Le lever du jour est magique. Les
premiers rayons du soleil se faufilent devant les faces imposantes du
Bagirathi pour éclairer le Shivling et nous plonger dans une
puissante méditation.
Puis on apprécie quand il arrive finalement
sur notre campement pour réchauffer l'atmosphère et prendre un
petit-déjeuner de luxe avant de prendre le chemin du retour.
On fait une partie de la descente avec
notre équipe d'adoption, en les aidant à porter du matériel car un
des porteurs est fiévreux.
Claire n'est pas en grande forme
physique, bien handicapée par une poussée d'eczéma sur les jambes
qui est très douloureuse et l'empêche de marcher correctement. La
descente sera longue et éprouvante.
Quand on leur dit au revoir pour
rejoindre Gangotri alors qu'ils font la descente en deux étapes,
j'ai un fort sentiment de nostalgie face à l'intensité de ces
premières rencontres, face à la gentillesse et la simplicité de
ces personnalités, face à leur générosité et leur accueil.
J'ai les larmes aux yeux de penser à
quel point je suis chanceuse d'avoir vécu un tel moment dans un tel
endroit.
On se rendra directement le lendemain
dans des sources d'eau chaude pour profiter d'un jour de repos bien
mérité. Encore un moment riche culturellement, au milieu des
Indiennes qui viennent quotidiennement dans ce bain au milieu du
village de Gangnani.
Mais l'eau est tellement chaude qu'il faut
prendre beaucoup sur soi pour supporter et ne pas avoir la sensation
de brûlure. Une nouvelle expérience qui m'aura encore rempli
d'émotion... ! Une bonne pause avant de prendre la route en
direction du Kinnaur, avec une étape à Uttarkashi, où nous
apprécions encore de bons moments à simplement boire le thé et
discuter avec de belles personnes qui dégagent quelque chose
d'indescriptible, mais une énergie, une authenticité qui touche
encore le plus profond de nous-même...
youhou!
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